L'habit fait le moine et l'avocat

Dans le hall du Palais de Justice, une nuée de silhouettes noires, des avocats, s'éparpillent en fin de matinée vers les vestiaires. C'est le moment choisi pour rencontrer Émilie, jeune avocate, trentenaire qui accepte de répondre à nos questions.

Au Palais de justice de Paris, les avocats prêtent serment, ici Rachida Dati.( photo D.R).
Au Palais de justice de Paris, les avocats prêtent serment, ici Rachida Dati.( photo D.R).

 

- L'Observatoire : À quel moment avez-vous revêtu votre robe pour la première fois ?

- Émilie : Le jour de la prestation de serment, au cours d'une cérémonie intime où seuls mes deux parents étaient autorisés. Ma grand-mère exceptionnellement était également présente. C'est d'ailleurs elle qui m'a offert cet uniforme, promesse faite au moment de mon adolescence. 

- Qu'avez-vous ressenti à ce moment-là ?

- Une vive émotion parce qu'à cet instant, on touche du doigt le métier que nous allons exercer. Une émotion exacerbée parce que pour y parvenir, j'ai dû beaucoup lutter contre la pathologie qui m'a affectée durant de trop longues années. Arrivée enfin au bout de ce parcours, j'éprouve un grand soulagement, de la fierté, une grande satisfaction. Je suis enfin parvenue au but. Ce vêtement me confirme dans mon nouveau statut. 

- Pour quelle raison avez-vous choisi cette profession ? 

- Mon enfance fût perturbée par le divorce de mes parents, l'année de mes 10 ans. Lors de cette dramatique période, le mot avocat était prononcé lors de chaque dispute. Quand la situation fut aplanie, après le divorce, j'en attribuais le bénéfice à ce personnage. Dans mon imaginaire, c'était grâce à lui, défenseur des opprimés, que nous devions cette accalmie. Il devint mon parangon. Et grâce à lui, je décidais de devenir avocate, pour sauver les agressés des agresseurs. J'ai dirigé mon parcours scolaire et universitaire dans ce but. Après un stage de deux ans dans un cabinet de cette profession, je me sentis confortée dans mon choix. Actuellement, je travaille avec des associés dont chacun a sa spécialité. J'ai choisi la famille, les mineurs, les victimes en général. Ce métier demande beaucoup d'engagement. La médiation, la conciliation, la relation en sont les moteurs. Pourvue d'une grande sensibilité, je m'investis à fond. Il m'arrive de consacrer 5 à 6 heures d'entretien pour chaque dossier, alors qu'un juge n'y accordera que 5 minutes, pour pouvoir en traiter 10 dans la matinée. Ce qui provoque en moi de la frustration.

Emimie se dirige vers la salle d'audience. ( photo D.R.)
Emimie se dirige vers la salle d'audience. ( photo D.R.)

- Quels sont vos désirs actuels ? 

-M'occuper surtout des mineurs. Je persiste dans le combat d'aider les personnes qui me font confiance. Faire honneur au vêtement que je porte, vêtement qui a une longue histoire.

Arlette Petit

Au Moyen-Âge, ce sont les religieux, fins lettrés et connaissant la loi qui défendaient le quidam. Raison pour laquelle, on a longtemps confondu la soutane avec la robe d'avocat. Lorsque cette fonction se laïcise, le port de la robe perdure. Les avocats et les magistrats, des religieux, portaient une sorte de manteau sur la soutane, de couleur noire ou rouge pour les cérémonies, les audiences. Il était pourvu d'une longue traine dont la longueur variait selon le grade du personnage. C'était un signe de puissance et de dignité qui avait pour but d'empêcher quiconque d'approcher l'oreille de l'avocat, au risque de trébucher en y posant les pieds. Plus tard, les avocats y renoncent, ainsi qu'à la robe rouge, pour ne pas être confondus avec les magistrats, se considérant comme de simples auxiliaires de justice, n'ayant pas de juridiction propre. Et en signe de dévouement à cette dernière, ils la replient vers l'intérieur. De nos jours, la traine est toujours d'actualité mais ne se déploie que lors des cérémonies d'enterrement de confrère. De son origine religieuse, la robe conserve les 33 boutons symbolisant l'âge du Christ à sa mort. Elle est devenue un costume professionnel dont le port est devenu obligatoire par la loi de 1971. Elle souligne publiquement l'autorité qui s'attache à l'exercice de la justice. Elle assure une égalité d'apparence entre les membres d'un barreau et pour des raisons pratiques, elle a été raccourcie.